Page:Cicéron - Des suprêmes biens et des suprêmes maux, traduction Guyau, 1875.djvu/43

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Mucius avait sans doute raison ; et je ne saurais assez m’étonner de voir le peu de cas que certaines personnes font de notre langue. Ce n’est pas ici le lieu de traiter un pareil sujet ; mais j’ai toujours cru, et je m’en suis souvent expliqué, que la langue latine non-seulement n’est point pauvre, comme ils se l’imaginent, mais qu’elle est même plus riche que la langue grecque. A-t-on jamais vu, par exemple, sans prétendre me citer moi-même, nos bons orateurs ou nos bons poètes, depuis qu’ils ont eu des modèles à imiter, manquer de termes pour exprimer élégamment tout ce qu’ils ont voulu dire ?


CHAPITRE IV

Préambule (suite).

Cicéron veut être utile à sa patrie par ses études et par ses écrits comme il lui a été utile par sa parole et par ses actions. — Utilité de la philosophie et surtout de la morale.

Quant à moi, qui, au milieu des fatigues, des travaux et des périls du forum, n’ai jamais abandonné le poste où le peuple romain m’avait placé, je dois sans doute, autant qu’il est en moi, travailler aussi à éclairer mes concitoyens par mes études et mes veilles. Sans vouloir m’opposer au goût de ceux qui aiment mieux lire les Grecs, pourvu qu’effectivement ils les lisent et ne se contentent pas de le faire croire, je serai du moins utile et à ceux qui voudront cultiver les deux langues, et à ceux qui pourront s’en tenir maintenant à la langue de leur patrie.

Pour ceux qui voudraient que j’écrivisse sur toute autre chose que sur la philosophie, ils devraient être plus équitables, et songer que j’ai déjà beaucoup écrit sur divers sujets, et plus qu’aucun autre Romain, sans compter ce que je puis écrire encore ; et cependant quiconque voudra s’appliquer à lire mes ouvrages sur la philosophie, trouvera qu’il n’y a point de matière dont on puisse retirer plus d’avantage.