Page:Cicéron - Des suprêmes biens et des suprêmes maux, traduction Guyau, 1875.djvu/64

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la douleur, parce que, si elle dure longtemps, elle est légère, et que, si elle est grande, elle dure peu ; et qu’ainsi l’excès en est contre-balancé par le peu de durée, et la longueur par le peu de souffrance. A cela, si vous joignez que l’homme dont nous parlons ne se laisse point inquiéter par la crainte des dieux, et que même il sache jouir des voluptés passées en les rappelant sans cesse dans son souvenir, encore une fois, que pourrait-il y avoir à ajouter à un état si heureux ?

Supposons, au contraire, un homme accablé de toutes sortes de douleurs d’esprit et de corps, sans espérer qu’elles puissent jamais diminuer, sans avoir jamais goûté aucun plaisir, et sans s’attendre à en avoir jamais aucun : pourra-t-on jamais se figurer un état plus misérable ? Que si une vie remplie de douleurs est ce qu’il y a de plus à craindre, sans doute le plus grand des maux est de passer sa vie dans la douleur ; et, par la même raison, le plus grand des biens est de vivre dans la volupté. Notre esprit n’a rien autre chose où il puisse s’arrêter comme à sa fin, que la volupté ; et toutes nos craintes, tous nos chagrins se rapportent à la douleur, sans que naturellement nous puissions être, ni sollicités à rien que par la volupté, ni détournés de rien que par la douleur. Enfin, la source