Aller au contenu

Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/110

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
98
lettres d’un citoyen

férents de ceux que j’ai montrés au moment où mes concitoyens ont élevé leurs premiers cris pour la liberté, c’est que les circonstances ne sont pas les mêmes.

Il s’agissait pour nous d’être soumis à une aristocratie étrangère, à l’autorité du parlement d’Angleterre ; il s’agit pour vous d’être délivrés de l’aristocratie parlementaire. Des corps qui prétendent que leur sanction est nécessaire pour la validité des lois faites par le prince, et acceptées par l’assemblée de la nation ; qui, à ce droit négatif, joignent l’exercice du pouvoir judiciaire le plus étendu, réunion incompatible avec toute espèce de liberté ; qui, dans l’exercice de ce pouvoir, ne se croient pas obligés de s’astreindre strictement à la lettre de la loi ; qui, dans le cas où l’on conteste, soit leurs prétentions, soit la justice de leurs arrêts, se permettent de rester juges dans leur propre cause ; qui, sous le nom de grande police, se sont arrogé, sur une grande partie des actions des citoyens, un pouvoir législatif, exercé par eux seuls, et dont eux-mêmes, ou des officiers à leurs ordres, sont les seuls exécuteurs : de tels corps vous menaçaient d’une aristocratie tyrannique, d’autant plus dangereuse, que, se recrutant elle-même, elle était devenue presque héréditaire.

Il s’agissait pour nous de conserver l’avantage précieux d’une procédure criminelle, favorable à la sûreté des citoyens, procédure à laquelle le gouvernement anglais osait donner atteinte. Il s’agit pour vous d’être délivrés d’une procédure qui expose l’innocent, qui donne à vos juges une autorité arbitraire, et qu’eux