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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/112

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lettres d’un citoyen

S’agit-il de la législation des impôts, de celle du commerce, des lois civiles ou criminelles, des lois de police, comparez l’intérêt que peut avoir un monarque à ce que toutes ces parties de la législation soient vicieuses ou oppressives, et l’intérêt que peuvent y avoir tous les hommes riches et puissants d’un pays, réunis en corps sous différentes dénominations. Si cet intérêt existe pour un monarque et ses ministres, il sera presque toujours celui de ménager les hommes qui ont un crédit ou un pouvoir indépendant ; qui peuvent, si on blesse leurs intérêts, troubler la tranquillité publique, ou perdre les ministres. La plupart des maux dont on se plaint dans les monarchies ont pour cause ce mélange d’une aristocratie, qui fait payer si cher au peuple le faible appui qu’elle lui prête quelquefois. J’ai étudié vos lois, vous en avez un grand nombre de mauvaises ; mais j’en ai peu vu qui n’aient été établies ou conservées uniquement parce qu’un crédit aristocratique les a sollicitées ou protégées.

Quel but se sont proposé les hommes en se réunissant en société régulière, en se soumettant à des lois ? C’est sans doute de s’assurer, par ces mêmes lois, la jouissance de leurs droits naturels. Mais la sûreté est un de ces droits, et les hommes en jouissent-ils, s’il reste quelque chose d’arbitraire dans les jugements criminels, si des actions indifférentes sont érigées en crimes, si le droit de se défendre est enlevé aux accusés, si les preuves alléguées contre eux sont pour eux un secret, si les tribunaux formant des corps perpétuels ont des passions ou des préju-