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sentiments d’un républicain

vait y avoir à cette séparation un motif raisonnable ou même plausible. Mais ils auraient senti en même temps, qu’une contribution proportionnelle au payement de la dette contractée pour des besoins communs, en était une conséquence ; ils n’auraient pas cru ni juste ni honnête de proposer de se séparer pour faire banqueroute. Cependant cette honteuse proposition est nécessaire pour qu’il résulte de cette séparation une diminution dans les impôts de ces provinces, seul moyen d’intéresser le peuple à cette mesure, et de lui faire envisager des avantages réels, bien que passagers ; avantages qu’il trouverait avec usure dans la destruction des abus aristocratiques sous lesquels gémissent ces mêmes provinces. Ainsi, je rencontre ici, comme dans tout le reste, un peuple trompé par ceux qui se disent ses protecteurs.

Le défaut le plus dangereux pour votre nation n’est pas sa légèreté ; aucune n’est plus attachée à ce qui est consacré par le temps, n’y renonce après plus de répugnance, n’attache une plus sérieuse importance à ce qui est étiquette, cérémonie, formalité ; mais c’est son goût pour l’imitation. Il n’existe nulle part beaucoup d’hommes à qui l’on puisse appliquer ce que Luther disait d’Érasme avec un secret dépit : Érasme est Érasme, et ne sera jamais autre chose. Mais ces hommes sont plus rares chez vous que partout ailleurs. Il semble qu’un Français ne puisse exister ni penser seul ; il tient à un corps, ou il est d’une secte. Il pense et signe, non ce qu’il croit, mais ce que disent ceux qui ont avec lui certaines qualités communes ; il a une telle opinion, comme