Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/162

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Tous ces pouvoirs, soit directs, soit indirects, forment dans ces pays un corps de citoyens dont la volonté arbitraire commande au reste de la nation ; et souvent, au milieu de tant de maîtres, elle ne sait pas à qui elle obéit.

V.

Quelques écrivains, soit de bonne foi, soit parce qu’ils étaient ou espéraient devenir membres de la partie dominante, ont honoré du nom de liberté l’anarchie produite par la discorde entre les divers pouvoirs ; ils ont appelé équilibre l’espèce d’inertie pour le bien encore plus que pour le mal où chacun de ces pouvoirs se trouve réduit par leur résistance mutuelle ; mais il aurait fallu ajouter alors que la nation est le point d’appui qui supporte l’effort des deux puissances opposées.

Pour réfuter cet absurde système, nous nous bornerons à une réflexion : un esclave qui aurait deux maîtres, souvent divisés entre eux, cesserait-il d’être esclave ? Serait-il plus heureux que s’il avait un seul maître ?

VI.

Il est plus facile de libérer une nation du despotisme direct que du despotisme indirect ; elle voit le premier, et elle souffre du second sans le savoir, souvent même en regardant ceux qui l’exercent comme ses protecteurs.

D’ailleurs les moyens de prévenir le despotisme direct sont bien plus simples. Qu’aucune loi ne puisse