Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/167

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fanatisme comme un instrument dont chacun espère se servir à son tour ; aussi à peine est-il attaqué par un d’eux, que les autres s’empressent de la protéger.

XII.

Le despotisme des tribunaux est le plus odieux de tous, parce qu’ils emploient pour le soutenir et l’exercer l’arme la plus respectable, la loi. Dans tout pays où il existe des tribunaux perpétuels dont les membres ne sont pas élus par les justiciables, et pour un temps seulement ; dans tout pays où la justice civile est réunie à la justice criminelle, il ne peut y avoir de liberté, parce que le concert de ces tribunaux avec le chef de l’armée suffit pour établir le despotisme. Il est bien plus inévitable encore, si ces tribunaux ont quelque part à la puissance législative, s’ils forment un corps entre eux, si leurs membres sont jugés par eux-mêmes. Le chef de l’armée est alors obligé de les ménager, parce que sans eux il ne peut exercer une autorité absolue que par une violence toujours dangereuse. Ils sont en même temps intéressés à flatter ou à soutenir son pouvoir, et par crainte, et parce qu’ils ne peuvent espérer que les citoyens, s’ils étaient libres, consentissent à être soumis au despotisme judiciaire, suite nécessaire à cette forme de tribunaux, parce que ce despotisme pèse sur chaque individu à tous les instants, et s’étend sur toutes les actions, sur tous les intérêts.

Si, par la complication des lois et celle des formes,