Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/168

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

il existe un très grand nombre de gens attachés aux tribunaux, et ayant le privilège exclusif d’y remplir les fonctions d’avocats, de procureurs, ou s’il est difficile de les remplacer, parce qu’ils sont instruits d’une routine inconnue aux autres citoyens, la suspension absolue de toute justice, qui peut être également causée par le refus des tribunaux, ou par celui de ces praticiens, donne au despotisme judiciaire une forme très-dangereuse.

Dans les pays où les mœurs sont douces, le despotisme du gouvernement, celui du chef de l’armée ne peut être ni sanglant, ni cruel ; le despotisme judiciaire l’est toujours, parce qu’il peut déployer toute la rigueur des lois, et que les tribunaux ont soin de conserver des lois féroces, même quand les mœurs se sont adoucies.

Puisque l’on connaît les causes de ce despotisme, on en voit aisément les remèdes. Si les juges sont élus à temps par les justiciables, si les tribunaux civils sont séparés des tribunaux criminels, si les juges sont strictement obligés de suivre la lettre de la loi, si des tribunaux d’un autre ordre, également élus, sont institués pour punir les prévarications des juges, si la fonction de défendre les causes devant les tribunaux est absolument libre, si les associations particulières que ceux qui se livrent à cette fonction voudraient former, au lieu d’être favorisées, sont déclarées contraires aux intérêts des citoyens (car il serait injuste de les défendre), alors le despotisme des tribunaux ne sera plus à craindre.