Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/171

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mier cas par la cession de quelques droits, une tolérance plus grande de quelques abus, ou même seulement par la solidité des places dont ces emprunts rendaient le remboursement plus difficile. Alors ces ressources n’eurent plus de bornes ; et malheureusement on s’accoutuma peu à peu à les regarder comme certaines, à en faire dépendre le succès des entreprises les plus importantes, et dans des circonstances difficiles, des payements même nécessaires pour acquitter des anciens intérêts, remplir des engagements, faire face aux dépenses publiques. Mais dès lors on se mit dans la dépendance de ceux qui pouvaient faire ces avances ; on fut obligé, dans la législation des impôts ou du commerce, dans les opérations politiques, de ménager leurs intérêts, leurs préjugés, leurs passions ; et il fallut les ajouter aux classes de citoyens qui exercent sur le peuple un véritable despotisme. C’est ainsi qu’en Angleterre ils ont usurpé sur la nation la souveraineté de l’Inde, que jusqu’ici on n’a pu leur enlever ; qu’ils ont fait préférer les plans de M. Pitt, dictés par eux, à ceux de M. Fox et du comte de Stanhope. Combien ne citerait-on pas de ministres dont ils ont précipité la chute, ou qu’ils ont forcé d’employer ? En France, ils obligèrent le gouvernement de priver de sa liberté l’auteur de la Théorie de l’Impôt, et sa naissance, sa fortune, sa réputation personnelle ne purent le mettre à l’abri de leur haine obscure. Ils obligèrent à la banqueroute de 1770 l’abbé Terrai, qui n’imagina que cette ressource pour se délivrer de leur empire, fit beaucoup de