Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/174

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la chambre des communes aime mieux laisser subsister une foule de lois ridicules et injustes, mais qui seraient protégées par la populace, que des chercher les moyens de détruire cette influence qui corrompt la législation. C’est la populace qui a privé la Hollande de liberté, en rétablissant le stadhoudérat en 1777. C’est elle qui, au lieu de corriger l’aristocratie tyrannique du Danemark, y a introduit le despotisme du prince, c’est-à-dire, le despotisme de la cour, des prêtres, des gens de loi ; c’est le despotisme de la populace de Constantinople qui a détruit l’empire grec, autant que le fer des barbares et les querelles théologiques. On sait que ce despotisme est aussi absurde dans ses projets que barbare dans ses moyens, puisqu’il est exercé par la partie de chaque nation la plus ignorante et la plus corrompue après les ambitieux qui s’en servent. Mais qu’est-ce qui rend dangereux la populace d’une grande ville ? C’est la facilité de la réunir, c’est son ignorance et sa férocité ; c’est donc en attaquant ces trois causes qu’on peut en prévenir les effets.

Il n’y a que deux moyens de prévenir la facilité de réunir la populace : le premier est la liberté entière de l’industrie et du commerce, qui d’abord augmenterait le nombre du peuple en diminuant celui de la populace, affaiblirait l’union particulière des ouvriers attachés à telle ou telle corporation, à tel lieu privilégié, diminuerait enfin l’aversion que la classe la plus pauvre, vexée par les lois des maîtrises, contracte pour la police. Le second moyen serait de diviser chaque grande ville en quartiers,