Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/315

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CLITON.

Ce ton de voix enfin avec cette parole ?

LYSE.

Ah ! c’est là que mes sens demeurent étonnés :
Le ton de voix est rare, aussi bien que le nez[1].

CLITON.

Je meure, ton humeur me semble si jolie,
220Que tu me vas résoudre à faire une folie.
Touche, je veux t’aimer, tu seras mon souci :
Nos maîtres font l’amour, nous le ferons aussi.
J’aurai mille beaux mots tous les jours à te dire ;
Je coucherai de feux, de sanglots[2], de martyre ;
225Je te dirai : « Je meurs, je suis dans les abois,
Je brûle… »

LYSE.

Je brûle… »Et tout cela de ce beau ton de voix ?
Ah ! si tu m’entreprends deux jours de cette sorte,
Mon cœur est déconfit, et je me tiens pour morte ;
Si tu me veux en vie, affoiblis ces attraits,
230Et retiens pour le moins la moitié de leurs traits.

CLITON.

Tu sais même charmer alors que tu te moques.
Gouverne doucement l’âme que tu m’excroques[3].
On a traité mon maître avec moins de rigueur :
On n’a pris que sa bourse, et tu prends jusqu’au cœur.

LYSE.

Il est riche, ton maître.

CLITON.

Il est riche, ton maître.Assez.

  1. Voyez la Notice du Menteur, p. 123, et même page, note.
  2. C’est-à-dire j’étalerai mes feux, mes sanglots, etc. Voyez le Lexique, et ci-dessus, p. 196, note 1.
  3. Telle est l’orthographe de ce mot dans toutes les éditions, même dans celle de 1692 et dans la première de Voltaire (1764).