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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 1.djvu/393

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NOUVELLES LITTÉRAIRES.

Que vois-je, ô ciel ! quelle surprise extrême !
Le Dieu du goût assassiné lui-même.

« Ami, dit-il, je cède au coup mortel,
À mes tyrans je voulais me soustraire ;
Mais par malheur, dans ce bois solitaire,
J’ai rencontré Raynal et Marmontel[1]. »

L’Académie des sciences tint sa séance le 12 de ce mois. M. de Fouchy y lut l’éloge de M. Amelot, qui avait été ministre des affaires étrangères et dont le roi de Prusse avait exigé le déplacement pour des raisons qu’il serait trop long de dire. Le héros était une homme médiocre, et le panégyriste resta pourtant au-dessous de son sujet. M. Ferrein lut une dissertation sur des matières d’anatomie qu’il entend parfaitement. M. de Lisle, qui a été longtemps à Pétersbourg, examina en quel lieu et en quel temps le froid a été le plus violent, et il se trouve qu’on n’en a jamais éprouvé d’aussi terrible que dans la baie d’Hudson, quoique par la position des lieux cela ne dût pas être. M. Vaucanson proposa un tour de son invention, avec lequel notre soie sera aussi bonne que celle du Piémont. Il prétend avoir découvert, par plusieurs expériences réitérées, que notre soie n’est inférieure à celle de delà les monts que parce que jusqu’ici elle n’a pas été mise aussi bien en œuvre. L’abbé de Gua termina la séance par la préface d’une arithmétique en huit volumes in-octavo qui est sous presse. Cet algébriste montra dans cet écrit son caractère et ses talents de l’étendue et de l’obscurité dans l’esprit, de la fierté et de l’aigreur dans le caractère. Il ne fut pas applaudi.

Le 14 du même mois, M. Bougainville lut trois éloges à l’Académie des inscriptions. Tout cela était écrit d’un style ferme, élégant et naturel. Le premier éloge fut celui de M. Fréret, le plus savant homme que la France ait eu depuis longtemps. Le panégyriste fit un précis, dont on se serait bien passé, de toutes les dissertations de cet érudit. Il saisit d’ailleurs admirablement son caractère et il peignit tous ses défauts avec beaucoup d’adresse et de décence. L’éloge de M. d’Egly, auteur d’une Histoire des Deux-Siciles, occupa peu de terrain. C’était un

  1. Fréron rapporte cette épigramme dans ses Opuscules, mais les noms de Marmontel et de Raynal ne sont désignés que par leurs initiales.