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n’est pas l’idée générale d’un époux ayant tel genre de beauté ; c’est l’idée tout à fait spécialisée du bel endormi.

On rapprochera de cet épisode du conte espagnol, pour la facture, l’épisode du conte albanais qui termine la division I de la présente Monographie. Là non plus, — nous l’avons déjà fait observer, — ce n’est pas la vue de la pie saignant sur la neige, c’est la réflexion du derviche qui met tout en branle.

Il faut ranger à côté du conte espagnol un conte italien du Mantouan, qui présente une forte lacune[1] :

Une jeune princesse est à regarder par la fenêtre. Il a neigé, et deux hommes passent en causant. « Vois-tu ce sang ? dit l’un. Je ne crois pas qu’il y ait au monde un homme vermeil comme cela, et blanc comme cette neige. — Il y en a un, dit l’autre ; c’est le roi aux sept voiles, le plus bel homme qui soit sur la terre. » La princesse dit à son père qu’elle veut épouser ce roi.

D’où vient ce sang sur la neige, c’est ce que le conte oublie de dire.

Nous ne connaissons, qu’un seul spécimen de ce qu’on pourrait appeler la forme masculine de cette variante ; c’est un conte écossais de la collection Campbell (III, p. 201, note). Là, ce qui inspire au héros, Conall Gulban, le souhait d’épouser une femme aux trois couleurs, c’est la vue d’une chèvre égorgée, dont un corbeau vient boire le sang sur la neige.

Dans une seconde forme féminine, que nous donne un conte irlandais et sur laquelle se terminera cette division 2, le souhait sera tout différent ; car la femme qui l’exprime n’est pas une jeune fille, mais une femme mariée. Voici l’introduction de ce conte irlandais, Les Douze Oies sauvages[2] :

Un roi et une reine ont douze fils et pas une seule fille. Un jour, en hiver, le sol étant couvert de neige, la reine est à sa fenêtre, et elle voit un veau qui vient d’être tué par le boucher, et un corbeau qui se tient tout auprès. « Oh ! dit-elle, si seulement j’avais une fille à la peau aussi blanche que cette neige, aux joues aussi rouges que ce

  1. Isaia Visentini, Fiabe mantovane (Turin, 1879), n° 42.
  2. Patrick Kennedy : The Fireside Stories of Ireland (Dublin, 1875), p. 14.