Aller au contenu

Page:Cosquin - Les Contes indiens et l’Occident, 1922.djvu/47

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
5


Y a-t-il de nouveau du symbolisme dans ce qui va suivre, et, chez les Hindous, l’emploi de la chaussure comme instrument de correction corporelle plus ou moins justifiée, implique-t-il des raisons intellectuelles qui le rendent plus infamant que l’emploi du bâton ? Laissant de côté cette investigation, nous enregistrerons le fait.

Sans doute, et non pas en pays hindou, dans l’opération... extra-judiciaire dite « passage à tabac », la botte joue un rôle obligé ; mais cette botte tient à un pied, à un formidable pied. Dans l’Inde, quand on veut corriger les gens, on commence par se déchausser.

Dans un des contes qui ont été recueillis dans la région de l’Himalaya, chez les Kamaoniens[1], un pauvre brahmane, qui vit d’aumônes, va, un jour, dans un certain village, frapper à la porte de l’« ancien », qui n’est pas à la maison ; mais sa femme permet au brahmane d’entrer. L’ancien étant de retour, bat le brahmane à grands coups de soulier et le chasse.

Dans un conte de la vallée du Haut-Indus[2], le fils d’un marchand, ayant eu sous les yeux un exemple saisissant d’ingratitude d’une femme envers son mari, ne veut pas se marier. Le père le pressant continuellement, le jeune homme lui dit qu’il n’épousera qu’une femme qui s’engagera à se laisser frapper, chaque matin, cinq fois avec un soulier : il espère qu’ainsi le père ne trouvera personne. À la fin pourtant, la fille d’un autre marchand accepte cette absurde condition, et, une fois mariée, elle a l’adresse d’en faire reculer de jour en jour l’exécution, etc.



Si, de l’Inde actuelle, on remonte à l’Inde d’autrefois, telle que la représentent les vieux documents bouddhiques, on voit une femme, une princesse, qui, pour satisfaire sa colère, brandit sa chaussure.

On sait, — du moins les initiés nous l’apprennent, — avec quelle

  1. Voir le résumé de ce conte dans les remarques de notre Conte de Lorraine, n° 7 (I, p. 91).
  2. Ch. Swynnerton, op. cit. p. 181 et suiv. — Nous avons parlé de ce conte dans notre travail Le conte du Chat et de la Chandelle dans l’Europe du moyen âge et en Orient (Romama, 1911, p. 410).