Page:Couturat - Le principes des mathématiques, La Philosophie des mathématiques de Kant (1905) reprint 1980.djvu/262

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

déclare dans l’Esthétique transcendentale (§ 7), à savoir que le concept du mouvement est empirique, parce qu’il présuppose la perception de quelque chose de mobile (A. 41, B. 58). Kant y insiste même : il affirme que « dans l’espace considéré en lui-même il n’y a rien de mobile », que le mobile ne peut être trouvé dans l’espace que par l’expérience, et par suite est une donnée empirique. Même le concept de changement ne peut être une donnée a priori de l’Esthétique transcendentale, car le temps lui-même ne change pas, c’est le contenu du temps qui change. On se demande alors ce que devient, dans cette théorie, la « science générale du mouvement » que Kant considérait un peu plus haut comme pure et a priori.

La pensée de Kant parait se préciser et se fixer dans la théorie du schématisme, où, comme on sait, le nombre est présenté comme un schème (le schème de la grandeur), c’est-à-dire comme une détermination a priori de l’intuition du temps (et non de l’espace). Mais, si l’on consulte la Méthodologie transcendentale, on trouve que le nombre se rapporte à la fois ou indifféremment à l’espace et au temps (A. 724, B. 752). Dans les Prolégomènes (§ 40), deux ans seulement après l’apparition de la Critique, Kant détermine ainsi les rapports des sciences mathématiques aux intuitions a priori : « La Géométrie prend pour base l’intuition pure de l’espace. L’Arithmétique produit elle-même ses concepts de nombre dans le temps par l’addition successive des unités ; mais surtout la Mécanique pure ne peut produire ses concepts de mouvement qu’au moyen de la représentation du temps. » Les mots « mais surtout » trahissent l’embarras de Kant et ses hésitations. Dans la Préface des Premiers Principes métaphysiques de la Science de la Nature (1786), il soutient que « la mathématique n’est pas applicable [254]