Page:Couturat - Le principes des mathématiques, La Philosophie des mathématiques de Kant (1905) reprint 1980.djvu/288

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279] nullement un axiome, mais un théorème démontrable et démontré. Ce ne peut pas être un principe, car cette proposition suppose que l’on sait ce qu’est la longueur d’une ligne quelconque. Or la longueur d’une ligne courbe ne peut se définir que dans la Géométrie analytique et infinitésimale, et elle se définit en fonction de la ligne droite. C’est donc par définition que la ligne droite est le prototype ou l’étalon des longueurs. Kant se place au point de vue du sens commun empiriste, qui croit voir la longueur d’une courbe, parce qu’il imagine un fil souple et inextensible appliqué sur cette courbe, puis tendu sous forme de ligne droite. Mais cette intuition n’intervient nullement comme principe scientifique en Géométrie, et pour cause : car c’est seulement lorsqu’on a défini la longueur d’une courbe qu’on peut concevoir clairement qu’un fil conserve sa longueur en se déformant. Par conséquent, tout appel à l’intuition, en cette matière, constituerait un cercle vicieux.

On ne peut donc pas dire que la ligne droite soit par elle-même et primitivement une quantité ; dans tous les cas, du reste, ce n’est pas la ligne droite (illimitée) qui peut être une quantité, c’est le segment fini que l’on découpe sur elle. On ne peut pas non plus dire que la ligne droite est une qualité, comme le rouge ou le chaud. Tout ce qu’on peut dire, au point de vue de la grammaire (qui est celui de la logique d’Aristote), [280]