Page:Couturat - Le principes des mathématiques, La Philosophie des mathématiques de Kant (1905) reprint 1980.djvu/315

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a fait des progrès immenses et imprévus, non seulement dans le sens de l’extension et des applications, mais dans le sens des principes et de leur approfondissement, et que ces progrès constituent nécessairement un gain pour la philosophie ; de sorte que s’en tenir, sur les mathématiques, aux théories et aux formules de Kant serait tout bonnement retarder d’un siècle. Nous laissons à ses disciples le soin de rechercher ce qui peut subsister de sa théorie de la connaissance, dont sa philosophie des mathématiques paraît bien être une pièce essentielle. On lui a même reproché d’avoir fait reposer la théorie de la connaissance trop exclusivement sur la considération des mathématiques, d’avoir pris celles-ci pour type unique de la science rationnelle et d’avoir ainsi donné à sa Critique une base trop étroite. Ce reproche nous parait justifié, mais en un autre sens que ne l’entendent ses auteurs. Si la base de la Critique est trop étroite, ce n’est pas parce qu’elle est empruntée aux mathématiques, mais parce qu’elle est empruntée à une conception insuffisante et périmée des mathématiques. Il est vain d’espérer qu’on pourra tirer de l’étude des sciences de la nature des lumières nouvelles sur la constitution de l’esprit ; car c’est méconnaître le caractère formel de la mathématique et son applicabilité universelle : elle est la véritable Logique des sciences de la nature, et il n’y a pas de Logique possible en dehors d’elle. Sans doute, elle devra toujours s’étendre davantage, s’assouplir et se compliquer pour se prêter à l’élaboration rationnelle de théories nouvelles ; mais toute science doit nécessairement revêtir la forme mathématique, dans la mesure même où elle devient exacte, rationnelle et déductive. La science est une, comme l’esprit ; et de même qu’il n’y a pas de [307]