Page:Crépet - Charles Baudelaire 1906.djvu/172

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» M. Villemain. — Vous vous présentez à l’Académie, monsieur ; combien avez-vous de voix ?

» M. Baudelaire. — M. le secrétaire perpétuel n’ignore pas, non plus que moi, que le règlement interdit à MM. les académiciens de promettre leurs voix. Je n’aurai donc aucune voix jusqu’au jour où, sans doute, on ne m’en donnera pas une.

» M. Villemain, avec insistance. — Je n’ai jamais eu d’originalité, moi, monsieur.

» M. Baudelaire, avec insinuation. — Monsieur, qu’en savezvous ? »

En revanche, le poète des Fleurs du mal fut très aimablement reçu par le poète d’Eloa. Alfred de Vigny ne connaissait que de nom Charles Baudelaire ; mais le souvenir cuisant qu’il gardait lui-même des épreuves que lui avait values l’obtention de son fauteuil sous la coupole, le portait à l’indulgence. Quand il eut lu les Fleurs du mal, ce ne furent plus seulement de courtoises paroles qu’il donna au téméraire candidat, mais aussi d’affectueux et paternels conseils, dont celui, d’ailleurs, de renoncer à son projet (i).

Cependant Sainte-Beuve saisit l’occasion, qui s’offrait, de rendre un public témoignage de— haute estime à son ami méconnu et injurié. Dans une « Causerie du lundi » intitulée : Des prochaines élections de l’Académie (2), il exposa un très judicieux plan de réforme, au sujet de la façon dont se faisaient les choix de la compagnie, dictés par des considérations politiques bien plus que par des motifs littéraires.

(1) V. C. Baudelaire et Alf. de Vigny, candidats à V Académie, étude par Eiienne Charavay, Charavay frères, éd. 1879.

(2) V. le Constitutionnel, 20 janvier 1862.