Page:Crépet - Charles Baudelaire 1906.djvu/39

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devait être plus douloureuse pour lui que pour tout autre. Le général lui demeurait odieux par cela seul qu’il avait remplacé son père, et son amour très profond pour sa mère était altéré par le grief qu’il se faisait contre elle de ce second mariage. D’autre part, il ne rencontrait chez M. Aupick ni la tendresse ni l’amour des lettres qui eussent intercédé pour lui, dans le cœur de son père[1].

Cette crise de famille dura quatre ans, de 1838 à 1842. Au sortir du collège, le poète s’était livré tout entier à la flânerie si féconde qui, à cet âge, même chez les mieux doués, prépare la période du travail. Il ne parle que vaguement de cette époque de sa jeunesse, dans une trop courte note de son autobiographie : « Vie libre à Paris, premières liaisons littéraires : Ourliac, Gérard, Balzac, Le Vavasseur, Delatouche[2] ». Heureusement, les spirituelles et précieuses

  1. « Si le père Baudelaire avait vu grandir son fils, il ne se serait certes pas opposé à sa vocation d’homme de lettres, lui qui était passionné pour la littérature et qui avait le goût si pur. » (V. Appendice, ch. vi.)

    « Le général Aupick était un homme bon et ouvert aux choses de l’esprit ; mais la discipline, la discipline inflexible, lui paraissait le seul mode d’éducation que l’on put appliquer aux enfants et aux hommes. Il s’est peint tout entier, à son insu, dans le blason qu’il s’était composé : d’azur à l’épée d’or en pal, et pour devise : « Tout par elle ! » (Maxime du Camp, Souvenirs littéraires, t. II, Hachette, 1892.)

  2. Il rencontrait aussi, dès cette époque, au « grenier » de Louis Ménard, Octave Feuillet, Leconte de Lisle, Pierre Dupont, P. Bocage, etc.