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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

de ses derniers crimes, c’est-à-dire à Montivilliers, où il mordit le bourreau auquel il emporta les deux premières phalanges d’un doigt qu’il broya de ses dents comme une hyène, et qu’il avala. On nous dit qu’il était si fortement charpenté que le bourreau avait eu de la peine à lui briser la poitrine. Il injuria jusqu’à son dernier moment ce même exécuteur qu’il avait mordu, en lui reprochant son inexpérience et sa maladresse, et disant que ce n’était pas la première fois qu’il avait été roué vif. Pendant ce temps-là, tout le monde était en prières à l’abbaye pour obtenir que le bon Dieu lui fit miséricorde. On n’en a jamais su davantage au sujet de ces deux criminels.

Nous fûmes agréablement distraites de toutes ces tristes impressions de crimes et de supplice, dont nos pauvres cœurs étaient flétris, par l’arrivée de Mademoiselle des Houlières, à qui ma tante avait offert un asile, et fait ajuster un appartement commode à l’abbaye[1].

— Ma toute aimable, lui dit Mme l’Abbesse en l’embrassant.

« J’ai fait, pour vous rendre
« Le destin plus doux,
« Ce qu’on peut attendre
« D’une amitié tendre… »

Ce qui parut une heureuse application de cette char-

  1. Antoinette de Lafon de Boisguérin des Houlières. Elle est qualifiée dans un de ses brevets de pension dont j’ai conservé le titre orignal : « Fille de Messire Guillaume de Lafon de Boi-