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Page:Créquy - Souvenirs, tome 2.djvu/12

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SOUVENIRS

beaucoup sa tendre mère, et un jour qu’elle le fit donner un soufflet à sa tante, la Marquise de Plessix-Bellière, elle se mit à crier impatiemment : — Toujours de la main gauche !… Et c’est tout ce qu’elle en dit à sa belle-sœur. Ce petit Vidame avait pris son précepteur en si grande aversion, que la Duchesse exigea de celui-ci qu’il fit semblant de se laisser tuer par son élève, qui lui tira, dans le milieu de la poitrine et à bout portant, un coup de pistolet sans balle. Cet imbécile et lâche complaisant fit mine de tomber sous le coup de feu et l’on eut soin de le faire disparaître, après avoir eu soin de lui constituer une rente viagère de 400 livres, en rémunération d’un si bon office ! Le Marquis nous disait aussi que lorsque M. le Vidame eut atteint ses douze à quinze ans, on n’osait plus le faire descendre pour se promener dans les Tuileries, non plus qu’à l’Arsenal, au Luxembourg, au Palais-Royal, ou dans le jardin de l’hôtel de Soubise, parce que tous les autres garçons du même âge et de la même étoffe que lui, s’étaient donné le mot pour le rouer de coups. Sa mère en fit le sujet d’une requête au Parlement. Elle y disait des choses inouïes, et notamment que l’héritier des Ducs de Chaulnes avait droit à toute la sollicitude de la Cour des Pairs, parce qu’il y siégerait sur les fleurs-de-lys, et parce que le petit de Rougé avait entrepris de lui crever les yeux ; d’où venait qu’elle se trouvait obligée de l’envoyer jouer tous les après-dîners sur la butte Montmartre avec un paquet de ficelle et des cerfs-volans. M. le Procureur-Général de Fleury lui écrivit très-poliment qu’il avait reçu