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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

de ce qu’elle va se marier dans trois jours, et qu’elle aura craint de mécontenter son oncle en refusant d’entrer dans la grande salle où le bal de sa noce devait naturellement avoir lieu. Enfin la bonne et douce Agnès se décide à triompher de sa répugnance ; on a soin de la faire passer la première (parce qu’elle était fiancée avec un Prince Wisnowiski, qui est un Jagellon). Mais quand elle arrive au seuil de la porte, le cœur lui faillit, elle n’ose entrer ; son oncle la sermonne, ses jeunes amies, ses cousins et son fiancé se moquent d’elle ; elle s’accroche aux battans de la porte, on la pousse en avant, on referme les battans sur elle, afin de l’empêcher de sortir ; ensuite on l’entend gémir et supplier de rouvrir la porte, en disant qu’elle est en danger de mort, qu’elle va mourir, et qu’elle en est certaine ! Ensuite on entendit une espèce de bruit formidable, et puis on écouta curieusement, mais on n’entendit plus rien.

Par suite de l’ébranlement qu’on venait de causer à la boiserie de cette porte, le maudit tableau s’était détaché de l’imposte avec son parquet et son cadre massif ; un des fleurons de la couronne des armes de Radziwill, qui était en fer doré, lui était entré dans la tête, et la malheureuse était tombée raide morte.

Vous verrez plus loin quels ont été mes pressentimens et ma résistance pour ne pas assister aux fêtes de la ville de Paris à l’occasion du mariage de Louis XVI, où je fus entrainée par obéissance et où je manquai d’être écrasée sur la place Louis XV, après avoir été versée sur le Pont-au-Change, en