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Page:Créquy - Souvenirs, tome 4.djvu/196

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SOUVENIRS

les traces de mon père, car j’étais déjà docteur in utroque à l’âge de vingt ans, et m’étant ensuite appliqué à l’astronomie, j’y réussis assez bien pour réformer le système de Ticho-Brahé qui, du reste, avait grand besoin de réforme. Je ne vous dis pas ceci pour en tirer vanité, mais parce qu’ayant à vous entretenir d’une aventure surprenante, je ne voudrais pas que vous me prissiez pour un homme inhabile ou sottement crédule ; je suis si loin d’être superstitieux, que la magie, la cabale et l’astrologie, sont peut-être les seules sciences dont je n’ai pas voulu poursuivre l’étude. Quant aux diverses parties des autres sciences, soit dogmatiques, naturelles ou mathématiques, je m’y adonnais avec une ardeur infatigable, et la diversité dans mes travaux était la seule espèce de récréation que je voulusse goûter. Une application si continue avait fini par altérer ma santé, et mon père ne connaissant aucun autre genre de distraction qui pût m’être profitable, exigea de moi que j’allasse faire le tour de l’Europe et que je ne revinsse auprès de lui qu’au bout de quatre ans.

« J’eus beaucoup de peine à m’arracher à ma bibliothèque, à mon laboratoire et à mon observatoire, mais il fallut obéir, et je ne me fus pas plus tôt mis en route que je retrouvai des forces et de l’appétit. J’avais d’abord voyagé en litière, mais, dès la troisième journée, je montrai sur une mule, et je m’en trouvai très-bien.