Page:Créquy - Souvenirs, tome 4.djvu/202

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
198
SOUVENIRS

père franciscain qui me donne son scapulaire à baiser. » Je demandai si nous passerions auprès du château. Il me répondit que nous en passerions à une portée de fusil.

« Sur ces entrefaites, le ciel se couvrit de nuages, et vers le soir un orage affreux vint fondre sur nous. Malheureusement nous nous trouvions alors sur un revers de montagne qui n’offrait aucun abri : le guide me dit qu’il connaissait une grotte où nous pourrions nous mettre à couvert, mais que le chemin pour y parvenir était très-difficile. Je m’y hasardai néanmoins, mais à peine étions-nous engagés entre les rochers, que le tonnerre tomba tout auprès de nous ; ma mule s’abattit, et je roulai de la hauteur de quelques toises ; j’eus le bonheur de pouvoir m’accrocher à une branche d’érable, et lorsque je sentis que j’étais sauvé, j’appelai mes compagnons de voyage, mais aucun d’eux ne répondit à ma voix.

« Les éclairs se succédaient avec tant de rapidité, qu’à leur lumière je pus distinguer les objets qui m’environnaient et changer de place avec assez de sûreté. J’avançai en me tenant à des vignes sauvages, et j’arrivai à une caverne qui, n’aboutissant à aucun sentier frayé, ne pouvait être celle où mon guide avait eu l’intention de me conduire.

« Les averses, les coups de vent, les coups de tonnerre, se succédaient sans interruption ; je grelottais sous mes habits mouillés et je restai deux ou trois heures au moins dans une position si contrariante.