gnité froide et tout-à-fait désintéressée : — Monsieur Romati, je vous avais prié de ne pas m’interrompre et vous auriez dû vous en souvenir.
« Après quelques instans de silence, elle reprit en minaudant avec un petit air de gaieté naïve et d’ingénuité folâtre : — J’étais à songer que le jour où j’atteignis seize ans, on était venu m’annoncer une visite assez extraordinaire pour une personne de mon âge. C’était le Vice-Roi des Deux-Siciles, avec l’Ambassadeur d’Espagne, et le Comte-Duc de Guadarama. Celui-ci venait pour me demander en mariage, et les deux autres étaient là pour appuyer sa proposition. Le jeune Duc avait la meilleure mine que l’on puisse imaginer, et je ne saurais nier qu’il ne m’ait paru fort agréable.
« Vers le soir on proposa une promenade dans le parc ; à peine y fûmes-nous arrivés qu’un taureau furieux s’élança du milieu d’un bouquet d’arbres et vint fondre sur nous. Le Duc courut à sa rencontre, en agitant d’une main son manteau déployé, et tenant son épée dans l’autre ; le taureau s’élança sur lui, s’enferra par son épée, de lui-même, et tomba mort à mes pieds. Je me crus redevable de la vie à la valeur et la dextérité du jeune Espagnol ; mais le lendemain la Spinaverde m’assura que le même taureau avait été aposté tout exprès par un écuyer du Comte-Duc, et qu’il avait disposé de tout cela pour me faire une galanterie à la mode de son pays ; je fus indignée de la supercherie qu’il m’avait faite, et je refusai sa main.