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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

Voilà Mme la Duchesse de Mazarin qui s’en mêle et qui me demande un jour comment il se fait que je ne veuille pas répondre aux lettres de son bon ami. Je lui dis je ne sais pas quoi, mais pas grand’chose, et voici Mme de Coislin qui se jette à la traverse en proférant des malédictions contre ce Morfontaine, qu’elle accusait de lui avoir fait perdre un procès. Ensuite elle en raconta des choses incroyablement ridicules, et cette grosse Mazarin se mit à pleurer, ce qui fut plus ridicule encore. De la part d’un homme, la plus forte preuve d’aversion, c’est le mépris ; de la part d’une femme, c’est le dénigrement. Damis dira de Cléon qu’il est un escroc, un poltron ; Armande en dira bien pis, suivant elle, c’est qu’il se teint les sourcils ou qu’il porte des bas pluchés. Puisque je vous parle aujourd’hui de Mme de Mazarin, je vous dirai comment et pourquoi c’était la plus étrange personne de France.

Louise de Durfort, Duchesse héritière de Mazarin, de Réthellois, de Mayenne et de la Meilleraye, Princesse de Porcéan, Marquise de Chilly, Palatine de Brie (la française) — vous voyez que c’était une assez grande dame — était régulièrement belle et parfaitement bonne, opulente, obligeante et magnifiquement généreuse ; mais tout ceci n’empêchait pas qu’elle ne fût complètement ridicule. À certaine distance, on avait de la peine à s’en expliquer le pourquoi, mais, en y voyant de plus proche, on

    père, qui menaçait un jour un ivrogne, à Morfontaine, en lui disant — Coquin ! je te donnerai cent coups de ma canne à pomme d’or !

    (Note de l’Auteur.)