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Page:Créquy - Souvenirs, tome 4.djvu/8

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SOUVENIRS

trouvait que c’était à cause de la légèreté de sa conduite coquette ou galante (je n’ai pas besoin de vous dire lequel des deux) tant il est vrai que la galanterie ne sied pas également bien à tout le monde et que l’amour enlaidit ceux qu’il n’embellit pas. Cette pauvre femme ne pouvait jamais rien faire et ne pouvait presque rien dire sans que tout le monde se moquât d’elle ; et quand ses parens ou ses amis (car elle en avait) entreprenaient de la guider pour une affaire de famille ou dans une occasion d’apparat, il y survenait toujours des accidens si dérisoires et tellement à part de sa bonne volonté, que c’était comme l’effet d’un sortilége qu’on aurait jeté sur elle. La vieille Duchesse de Lorges était sa marraine, et Monsieur ne l’appelait à cause de cela que la Fée Guignon[1].

Si Mme de Mazarin voulait donner un grand concert avec un beau souper, savez-vous ce qu’il arrivait ? C’est que le chef d’orchestre se cassait la jambe et que le feu prenait à la cuisine. Quand elle donnait une soirée de proverbes au Roi de Danemarck, par exemple, on y voyait Arlequin qui faisait mille grimaces et disait mille sottises pour éviter de se faire ôter une dent, et ceci se trouvait tout justement la représentation de ce que le Roi de

  1. Le mari de Mme de Mazarin était Louis-Marie d’Aumont, Marquis de Villequier, qui prit le titre de Duc de Mazarin du chef de sa femme. Ils n’ont eu pour unique héritière que la Duchesse de Valentinois d’aujourd’hui. La mère était un modèle de sagesse et de vertus en comparaison de la fille.
    (Note de l’Auteur.)