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SOUVENIRS


M. Necker alla se plaindre au Roi comme si on lui eût enlevé Mlle sa fille. Il annonça qu’il allait se retirer des affaires et s’en aller dans son pays s’il n’obtenait vengeance et satisfaction ; enfin M. de Lauraguais fut exilé de Paris à cause de cette réponse ; et je ne sache pas que, dans cette occasion-ci, les encyclopédistes et les Necker aient déblatéré contre les lettres de cachet.

Mme Necker était la fille d’un prédicant de Genève, de Berne ou du pays de Vaud, ce qui n’importe guère. Elle avait été bonne d’enfans, gouvernante, ou je ne sais quoi d’approchant. Elle avait affecté pendant long-temps le puritanisme et la bigoterie calvinistes les plus austères ; mais elle avait fini par aller s’établir et se reposer dans un scepticisme absolu, ce qui lui fit beaucoup d’amis parmi les encyclopédistes.

Mademoiselle Churchod, devenue femme de M. Necker, avait grand’peine à supporter les Thélusson, auxquels elle ne pouvait pardonner ni le tort qu’ils faisaient à son mari dont ils se plaignaient, ni surtout la connaissance qu’ils avaient de ses antécédens. Tout le monde connaît cette maison bâtie dans la rue Neuve-d’Artois pour la veuve de M. Thélusson, le banquier de Genève, à qui M. Necker avait dû sa fortune[1]. Il est à savoir

  1. Cet hôtel, ouvrage de N. Ledoux, était composé d’une immense arcade hémisphérique, au travers de laquelle on apercevait une belle colonnade en rotonde, élevée sur des mammelons de roche abrupte entremêlés d’arbrisseaux. Il était situé précisément en face de la rue d’Artois, rue de Provence, et l’effet de cette construction pittoresque était ce qu’on peut imaginer de plus gran-