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SOUVENIRS

lit sentaient le chanvre ; et, le lendemain matin, je ne trouvai pour ustensiles de toilette qu’une assiette à soupe avec une bouteille de verre en guise de pot à l’eau.

Je vous prie d’observer, en voyant aujourd’hui ce même château de Fontenay si bien ajusté, si convenablement pourvu de toutes choses, avec ses jolies tourelles à demi voilées par des rideaux de peupliers et ses jardins si fleuris et si gais qu’on dirait les voir sourire avec un bouquet sur l’oreille, je vous prie d’observer que le propriétaire actuel est pourtant moins riche de quarante mille écus que ne l’était sa mère ; car elle avait contracté pour cent quatre-vingt mille-livres de dettes qu’il a bien voulu payer. Il a trouvé moyen de relever tous ses corps de ferme et de rétablir son château qui tombaient en ruines ; il a toujours passé huit mois de l’année dans son domaine, où il exerce une hospitalité la plus noble et la plus généreuse. Ainsi vous voyez le profit et les agrémens qui suivent toujours le bon ordre et le bon ménage, je pourrais ajouter le bon goût et la raison ; car il est à remarquer que toutes les personnes qui ont un goût ridicule ont encore un inconvénient plus déraisonnable, et vous pourrez, observer que, par-dessus toute chose, elles sont toujours follement désordonnées dans l’administration de leur fortune. Je vous ai déjà dit qu’un très bon goût suppose toujours un grand sens, et c’est un adage dont on ne saurait contester la vérité.

Pendant que je pense au château de Fontenay, voici l’occasion de vous parler du malheureux curé de cette paroisse, qui fut condamné à mourir sur un