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SOUVENIRS

avait accueillie dans la famille et la société des Necker avec une approbation flatteuse. L’aveuglement de ces gens-là passait toute croyance, et Marmontel était obligé de convenir que les vers de Mlle et de M. Necker auraient été bien autrement plats s’il n’avait pas accepté la commission de les corriger. Voici donc cette belle poésie, corrigée du mieux possible, et dites-moi si l’engouement et l’admiration de ces Necker les uns pour les autres n’avait pas tous les caractères de l’iniquité ?

Air. Je suis Lindor, ma naissance est commune.

Moi qui goûtais la vie avec délice,
Dans un instant j’ai connu le malheur.
Belle maman, témoin de ta douleur,
J’ai dit : Pour moi la vie est un supplice.




En me donnant la plus digne des mères,
Ciel, tu m’as fait le plus beau des présens,
Daigne veiller sur ses jours bienfaisans,
Ou tes faveurs me seront trop amère.




Oui, je crains moins la douleur pour moi-même,
À tous ses traits je suis prête à m’offrir :
Les plus grands maux c’est ceux qu’on voit souffrir
À des parens qu’on révère et qu’on aime.




De mille maux l’essaim nous accompagne,
Mais sont-ils faits pour un être accompli ?
Ah ! d’un objet de vertus si rempli
Que la santé soit toujours la compagne.