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CHAP. VI. — DE SEPTIME-SÉVÈRE À DIOCLÉTIEN

tion et du détachement. Quand la raison, dans l’intensité de sa méditation, a réussi à dépouiller l’intelligible de tout ce qui est encore détermination, quand, d’autre part, l’âme, dans l’élan de son amour, s’est affranchie de tout ce qui la rattache au monde, alors, en un sens, tout s’évanouit, mais, en un autre sens, tout se révèle[1]. Car c’est là, dans ce néant de la forme, que l’être apparaît soudain[2]. L’homme perd conscience de sa personnalité ; il est tout entier dans sa vision qui est Dieu ; et lui-même, pendant ces rapides instants, ne fait plus qu’un avec Dieu. Nous sommes en plein rêve. Mais ce n’est plus le rêve platonicien, qui se connaît comme tel, qui sait qu’il est poésie, et qui ne nous le laisse pas oublier. C’est une ivresse de l’esprit, un délire d’abstraction, et en somme l’abolition de la raison, proposée comme but à la raison même[3].

Ce goût du surnaturel devait avoir d’autres conséquences encore. Le néoplatonisme admettait pleinement la croyance, alors générale, aux êtres intermédiaires entre Dieu et l’homme et à toutes leurs manifestations ; en l’admettant, il la sanctionnait. Donc, la divination, la magie, les incantations, toute cette partie trouble ou malsaine de la religion contemporaine, recevait de lui une autorité nouvelle. Plotin, il est vrai, semble n’avoir

  1. Enn. VI, l. IX, 1, 3 : Νοῦν τοίνυν χρὴ γενόμενον… τούτῳ θεᾶσθαι τὸ ἓν, οὐ προστιθέντα αἴσθησιν οὐδεμίαν οὐδέ τι παρ’ αὐτῆς εἰς ἐϰεῖνα δεχόμενον, ἀλλὰ ϰαθαρῷ τῷ νῷ τὸ ϰαθαρώτατον θεᾶσθαι ϰαὶ τοῦ νοῦ τῷ πρώτῳ.
  2. Enn. V, l. III, ch. XVII : Τότε δὲ χρὴ ἐωραϰέναι πιστεύειν ὅσαν ἡ ψυχὴ ἐξαίφνης φῶς λάβῃ· τοῦτο γὰρ, τοῦτο τὸ φῶς παρ’ αὐτοῦ, ϰαὶ αὐτος. — L. V, ch. III : Ἐφ' ἅπασι δὲ τούτοις (les degrés inférieurs de l’être et de la connaissance) βασιλεὺς προφαίνεται ἐξαίφνης αὐτὸς ὁ μέγας, οἱ δ’ εὔχοντα : ϰαὶ προσκυνοῦσιν, ὅσοι μὴ προαπῆλθον, ἀρϰεσθέντες τοῖς πρὸ τοῦ βασιλέως ὀφθεῖσιν.
  3. Enn. V, l. III, ch. XIV : Καὶ τοῦτο τό τέλος τὸ ἀλθινὸν ψυχῇ, ἐφάψασθαι φωτὸς ἐϰείνου, ϰαὶ αὐτῷ αὐτὸ θεάσασθαι, οὐϰ ἄλλου φωτὶ, ἀλλὰ αὐτὸ δι’ οὖ ϰαὶ ὁρᾷ. — Cf. Porphyre, Ἀφορμαί, 26 : Περὶ τοῦ ἐπέϰεινα νοῦ ϰατὰ μὲν νόησιν πολλὰ λέγεται· θεωρεῖτα : δὲ ἀνοησίᾳ ϰρεῖττον νοήσεως.