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Page:Croiset - Manuel d’histoire de la littérature grecque, 10e éd.djvu/17

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LES ORIGINES

de l’imagination, au sens de la vie et à un remarquable instinct de la beauté. Un heureux équilibre de facultés le prédisposait à aimer la mesure. Il savait voir, écouter, observer, se mettre par conséquent en contact perpétuel avec la réalité ; mais il ne se laissait pas écraser par elle ; son esprit vif la dominait au contraire ; il la simplifiait, l’idéalisait, se l’appropriait par une connaissance méthodique, ou l’imitait par un art intelligent et libre. Il a ouvert, avec une sûreté de coup d’œil et une hardiesse admirables, toutes les grandes voies de la pensée, et il a créé des formes d’art qui ne semblent pas pouvoir être surpassées. Le caractère distinctif de sa littérature sera d’être à la fois spéculative et artistique : sans dédaigner le moins du monde l’utilité pratique, elle visera instinctivement au delà, à la science d’une part, à la beauté de l’autre.

2. Premières créations du génie grec. — Traditions légendaires. Les chanteurs thraces, Orphée, Musée, etc. ; la poésie délienne ; Olen. Hymnes primitifs. — Les premiers efforts de la race grecque pour traduire ses sentiments par la parole nous échappent presque entièrement. Le plus ancien monument de la littérature est pour nous l’Iliade, dont aucune partie ne paraît remonter au-delà du ixe ou, tout au plus, du Xe siècle avant notre ère. Mais l’Iliade est l’œuvre d’un art déjà très avancé, et elle laisse deviner toute une longue évolution antérieure dont elle est le terme. Cette évolution, nous pouvons affirmer qu’elle a dû remplir plusieurs siècles ; mais nous ne la connaissons plus directement ; et, déjà, dans l’antiquité, quand l’histoire littéraire est née, l’histoire littéraire l’ignorait. Essayons du moins, puisqu’il est impossible aujourd’hui de faire mieux, de nous la représenter à grands traits, en mettant à profit les données diverses dont nous disposons.

La tradition conservée en Grèce faisait vivre dans les temps primitifs un certain nombre de chanteurs sacrés, fils des dieux ou favoris des Muses. Tels étaient Orphée, Linos,