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HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE GRECQUE

Musée, Pamphos, Eumulpe, Thumyris. Ce qu’on racontait à leur sujet était de nature purement légendaire ; quant aux œuvres qu’on leur attribuait, c’étaient des compositions apocryphes, nées bien des siècles plus tard. Ces noms, en somme, semblent purement fictifs. De quelque manière qu’ils aient été mis en circulation, ils ont servi à expliquer ou à autoriser certains rites ; ils sont mêlés, presque tous, à l’histoire de la religion grecque : ils n’appartiennent vraiment pas à celle de la littérature.

Toutefois, les traditions qui les concernent ne doivent peut-être pas être négligées entièrement. Elles nous signalent les régions septentrionales du monde grec, la Thrace, la Piérie, comme le lieu d’origine de la plupart de ces chanteurs légendaires et, par conséquent, comme le point de départ des plus anciens chants connus. En cela, elles se rencontrent avec d’autres traditions qui font aussi de la Piérie le lieu d’origine des Muses. On peut conjecturer de là que de ces régions ont dû venir, dans des temps lointains, certaines formes de cultes qui comportaient des chants religieux.

D’autres chanteurs de même sorte, plus spécialement voués à Apollon, tels qu’Olen, Phœbammon, Chrysothémis, nous sont donnés comme originaires des îles de la mer Égée, en particulier de Délos et de la Crète, et la poésie qu’on leur attribue est rattachée par son inspiration première à la Lycie. Le plus connu d’entre eux était Olen, qu’on disait venu de Lycie à Délos ; les femmes déliennes, au temps d’Hérodote (ve siècle), chantaient encore des hymnes qu’il était censé avoir composés.

Ainsi la Grèce des temps historiques avait conservé, sous ces légendes, le souvenir vague d’une poésie très ancienne, liée à des cultes qui étaient venus du Nord et de l’Orient ; c’était par les hymnes de ces antiques chanteurs qu’elle croyait avoir préludé à sa grande poésie épique. Rien n’est plus vraisemblable en soi. Et en écartant même les légendes,