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Page:Croiset - Manuel d’histoire de la littérature grecque, 10e éd.djvu/27

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DÉBUTS DE L’ÉPOPÉE HÉROÏQUE : HOMÈRE

ne pouvait manquer d’élever des doutes. Sans entrer ici dans des discussions complexes, il importe de dire brièvement dans quelle mesure ces doutes sont légitimes. L’Iliade, comme nous le verrons, semble, en son état actuel, résulter du travail successif de plusieurs poètes ; mais on s’accorde de plus en plus à reconnaître qu’elle a été tout au moins ébauchée par le plus ancien d’entre eux, de telle façon qu’il peut en être considéré comme le principal auteur. Il a donc existé nécessairement, au début de l’évolution de ce poème, un homme de génie, qui a été, par la grandeur incomparable de son invention, le père de l’épopée grecque. Cet homme était ionien, puisque son œuvre est ionienne Il a dû composer soit à Smyrne, soit à Chios, d’après ce qui a été dit plus haut. Smyrne lui voua un culte qui a duré dans les temps historiques ; Chios le considérait, comme l’ancêtre éponyme d’une de ses plus anciennes familles. Il n’est pas sûr qu’il s’appelât réellement Homère, car tous les vieux poèmes de ce temps étaient anonymes ; et il est très possible que ce nom ait été tiré de quelque légende ou emprunté aux traditions mythologiques d’une famille. Au fond, peu importe. Si l’existence du poète est incontestable, il n’y a aucun inconvénient à lui attribuer dans l’usage le nom sous lequel il n’a cessé d’être connu.

Homère ne peut avoir pour nous aucun trait particulier en dehors de ceux qui sont imprimés dans son œuvre. Ce fut un aède semblable à ceux qui sont dépeints dans l’Odyssée. Il reçut comme eux la tradition épique des mains de ses devanciers et il la transmit comme eux à ses successeurs ; mois sur cette tradition, il greffa une œuvre personnelle dont nous montrerons plus loin la grandeur.

4. Les aèdes et leur public. — Récitations épiques[1]. — Pour nous représenter ce qu’il était et dans quelles condi-

  1. À consulter :

    Textes anciens : Odyssée, chants I, VIII, XXII. — Sur le Μέγαρον et le palais homérique : Buchholtz, Homerische Realien, II, 2e part. , Leipzig, 1883 ; W. Helbig, l’Épopée homérique, trad. Trawinski, Paris, 1894 ; Perrot et Chipiez, Histoire de l’art dans l’antiquité, t. VI et VII.