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DÉBUTS DE L’ÉPOPÉE HÉROÏQUE : HOMÈRE

toire, comme le fait Démodocos au VIIIe chant de l’Odyssée, il choisissait deux de ces morceaux, afin de procurer à son public le plaisir de retrouver les mêmes personnages et de savoir, comme on dit, « la fin de l’histoire ». Si enfin, ce qui était possible encore en certaines circonstances, il retrouvait plusieurs jours de suite le même auditoire dans diverses maisons opulentes d’une même ville, il lui était permis de dérouler toute la série de ses poèmes et de faire ainsi valoir l’heureuse fécondité de son génie. Un certain groupement des poèmes du même auteur était donc naturel et avantageux ; mais à condition que l’assemblage ne fût pas trop serré et permît toujours de détacher aisément les morceaux.

C’est cette sorte de groupement qui a été probablement l’origine des grandes épopées. Pour en mieux comprendre la formation, il faut tenir compte aussi de la manière dont les premiers groupes ainsi constitués se sont transmis de main en main et développés.

6. Transmission des chants épiques. — Les Homérides. — Durée de la période épique. — Les chants créés par un aède pouvaient naturellement être retouchés et augmentés par lui jusqu’à la fin de sa vie. Ceux qui avaient eu le plus de succès ne disparaissaient pas nécessairement avec leur auteur. D’autres aèdes, ses héritiers ou ses disciples, les recueillaient et les récitaient à leur tour ; chacun de ceux-ci avait de même des successeurs, et ainsi de suite, tant que l’épopée fut la forme de poésie à la mode. Ces successions d’aèdes n’étaient pas uniformes. Quelquefois l’art et la tradition passaient d’un maître à un disciple volontaire, plus souvent probablement d’un père à l’un de ses fils ou à un proche parent. Les témoignages anciens paraissent établir, en effet, qu’il y eut des lignées de poètes. On cite certaines familles où se transmettait l’héritage de l’épopée. Telles la famille des Homérides, à Chios, et celle des Créophyliens, à Samos. Bien entendu, cela ne veut pas dire que