Page:D'Hervey de Saint-Denys - Les Rêves et les moyens de les diriger, 1867.djvu/185

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L’absence de netteté dans les images, qui ne peuvent être nettes par cela même qu’elles n’ont jamais été nettement perçues, devient très fréquemment une source notable d’incohérence, en provoquant des phénomènes de transition qui s’expliquent ainsi : Par suite d’un enchaînement quelconque de souvenirs, l’image d’un commissionnaire, qui me remit un jour une lettre, vient à se présenter dans mon esprit ; je crois aussitôt voir cet homme, puisque c’est le propre du rêve d’évoquer instantanément l’image, dès que la pensée dont elle est solidaire a surgi. Je le vois donc, mais sans distinguer ses traits d’une façon lucide, car à peine ai-je aperçu son visage la seule fois qu’il ait été devant mes yeux. Dans cette ébauche nuageuse, la mémoire saisit pourtant un ensemble qui lui rappelle d’autres traits mieux connus, ceux d’un professeur célèbre dont j’ai quelquefois suivi les leçons. Déjà le commissionnaire est loin de ma pensée. J’assiste maintenant au cours du professeur.

La transition aurait pu toutefois s’opérer d’une autre manière. Le visage du professeur pouvait s’encadrer purement et simplement dans la silhouette du commissionnaire, et j’aurais vu ce savant stationner au coin d’une rue avec une médaille sur la poitrine ; ou bien je me serais imaginé qu’il montait en chaire, une veste de velours sur l’épaule et le crochet traditionnel sous le bras.