Page:D'Hervey de Saint-Denys - Les Rêves et les moyens de les diriger, 1867.djvu/29

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une influence énorme. Les relations habituelles, le milieu dans lequel on vit, les spectacles de toute sorte auxquels on assiste, les peintures, les albums que l’on regarde, et jusqu’aux lectures que l’on fait sont autant d’occasions pour la mémoire de multiplier indéfiniment ses clichés-souvenirs. Ce qui n’était que l’œuvre d’un artiste prendra bien souvent en songe le corps et les apparences d’une réalité ; de telle façon qu’alors, à proprement parler, nous rêverons en effet à des personnages imaginaires ; mais n’est-ce point encore exactement ce qui s’opère dans la vie réelle, quand nous laissons courir l’imagination à la recherche de quelque conception relativement nouvelle ? Qu’est-ce que créer pour l’homme ? Qu’est-ce qu’inventer, en peinture, en littérature, en poésie ? N’est-ce point combiner et réunir dans un nouvel ensemble les divers moyens de séduction dont les éléments nous sont fournis par notre mémoire, c’est-à-dire par nos clichés-souvenirs ?

Entre penser et rêver, cette énorme différence existe toutefois, que l’éclat du jour et du monde ambiant, dans la vie réelle, ne permet jamais à nos simples conceptions de revêtir une forme nette et certaine[1], tandis que, dans le rêve, quand les

  1. Excepté dans l’hallucination proprement dite, que je considère comme le songe d’un homme éveillé.