Page:D'Hervey de Saint-Denys - Les Rêves et les moyens de les diriger, 1867.djvu/343

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je suis persuadé que leur déception serait complète, du moins dans le plus grand nombre des cas. C’est là un second point à l’égard duquel je me suis formé une opinion assez arrêtée, tant par mes observations personnelles que par celles d’un de mes amis, auteur aimé du public, qui s’étant appliqué à se remémorer ses rêves et en ayant acquis une grande habitude, me raconta, entre autres faits, celui qui suit :

Il avait rêvé qu’il se sentait en verve, que des vers charmants naissaient pour ainsi dire d’eux-mêmes sous sa plume, qu’il venait surtout d’improviser une petite pièce qui lui semblait un chef-d’œuvre. La joie l’éveille ; la crainte d’oublier stimule sa mémoire ; il récite tout haut en s’éveillant les deux dernières strophes (les seules qu’il ait pu se rappeler), il les répète, il les écrit les yeux à demi ouverts. Quelle est donc sa surprise de lire ensuite, à tête reposée, ce que voici :

Le cygne aux ailes d’or étalait sa richesse,
Et courait dans les fleurs au lieu de voltiger ;
Moi, je voulais cueillir la forme enchanteresse
De celle qui fuyait comme un sylphe léger.

L’air était parfumé de sable aux couleurs vives,
Et le sentier neigeux se perdait dans les lis.
Je glissais mollement comme une ombre qui passe,
Le cœur noyé d’amour et les yeux éblouis.