Page:D'Hervey de Saint-Denys - Les Rêves et les moyens de les diriger, 1867.djvu/365

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s’en apercevait pas, il est vrai, le jour même ; mais un mystérieux avis lui en était infailliblement donné pendant la nuit qui suivait la fraude commise. Le lendemain matin, la cuisinière était appelée ; elle essayait en vain d’opposer d’abord quelques dénégations aux reproches assurés de son maître. Son maître lui fermait la bouche et l’amenait à confession par ces seuls mots sans réplique : « Rosalie, j’ai rêvé cette nuit que je marchais dans l’eau. »

La plus petite quantité de graisse avait pour résultat inévitable de faire rêver au savant académicien qu’il était forcé de traverser à pied des terrains inondés, des marais ou des rizières. Il avait reconnu qu’il ne faisait jamais ce rêve sans que sa cuisinière finît par avouer qu’il avait été motive ; comme elle convenait aussi que jamais ce songe obstiné n’avait manqué de la dénoncer quand elle s’était mise dans le cas de mériter une réprimande.

Or, quelle relation imaginer entre des rochers escarpés et la migraine, entre la morphine et des visions de bêtes fauves, entre l’introduction dans l’estomac d’un peu de graisse et l’idée de marcher dans l’eau ? Serait-ce qu’une simple coïncidence ayant établi un premier rapport entre quelque sensation morbide qu’on éprouvait une telle nuit, et un rêve quelconque que l’on faisait