Page:D'Hervey de Saint-Denys - Les Rêves et les moyens de les diriger, 1867.djvu/373

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je ne regardais d’ailleurs que le petit pied de mon guide, lequel exécutait les mouvements les plus gracieux en effleurant de temps en temps mon visage ; nous montions toujours, et il me semblait que mon intelligence, ma vigueur et mon exaltation croissaient sans cesse. Sur le point d’atteindre le couronnement de cet escarpement immense, une saillie qui surplombait se présenta comme un dernier obstacle ; ma conductrice me fit signe de me tenir ferme et posa son pied sur mon épaule, afin de gravir cette dernière saillie et ensuite de me tendre la main. Je me courbai pour qu’elle eût un point d’appui meilleur ; je tremblais qu’elle ne tombât dans l’abîme, où je n’eusse pas hésité à la suivre. J’éprouvais des angoisses terribles. Enfin, je sentis son pied s’enlever dans un mouvement que je fis pour l’y aider ; je me redressai et je vis ma compagne radieuse d’une inexprimable beauté. La saillie du rocher s’était aplanie ; devant nous s’étendait un jardin délicieux, plein de solitude et de lumière. Mon bras enlaçait la taille de la fée qui m’y avait conduit. Mes lèvres rencontrèrent les siennes. Je fus pénétré d’un tel frémissement de joie qu’il me parut que ma raison ne résisterait pas à cette épreuve. Sans le regretter d’ailleurs, je crus de bonne foi ma tête perdue. Je me disais intérieurement : « La folie est le bonheur. » La violence du plaisir me réveilla. »