Page:D'Hervey de Saint-Denys - Les Rêves et les moyens de les diriger, 1867.djvu/44

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dans la voie qu’il nous plaît de leur assigner, et cela sans leur permettre de vagabonder en s’échappant par les chemins de traverse. Nous avons cependant des instants de passivité morale, pendant lesquels nous faisons ce qu’on est convenu de nommer rêvasser. Cet état est un intermédiaire entre la veille et le songe. Chacun s’en est aperçu plus d’une fois en chemin de fer, alors que l’appel d’une station ou toute autre circonstance fortuite le rappelant brusquement au sentiment de la vie réelle, lui a fait surprendre à l’improviste les opérations de son propre esprit. Or les principales lois qui régissent, en songe, la marche spontanée des idées se manifesteront dans cette situation.

La dernière pensée qui m’ait préoccupé, avant de m’abandonner à cette rêvasserie, a été, je suppose, celle d’un ami dont j’avais reçu récemment des nouvelles, et qui voyage en Italie pour son plaisir. Sa lettre m’a rappelé un séjour à Rome que je fis moi-même, et le souvenir du Colisée s’est présenté tout aussitôt. Il m’était arrivé de rencontrer au Colisée un peintre de ma connaissance, homme excellent et de grand talent qu’une mort prématurée devait enlever peu de temps après. Je pense au jour où l’on vendit ses tableaux et ses toiles inachevées. Une esquisse me revient surtout en mémoire ; elle représentait deux petits paysans bretons pleins de grâce et de vie, s’effor-