Page:D'Hervey de Saint-Denys - Les Rêves et les moyens de les diriger, 1867.djvu/467

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Une autre nuit : « Je me voyais dans une chambre très élégamment ornée, dont je distinguais tous les meubles avec une précision parfaite, sans pouvoir me rappeler où j’avais dû en recueillir les clichés-souvenirs, mais en me disant cependant que l’imagination ne saurait, ce me semble, inventer instantanément tant de menus détails. Une glace était devant moi ; je m’y regardai ; je me vis dans une robe de chambre à ramages singuliers, où je reconnus le dessin d’une étoffe en pièce que j’avais admirée la veille à la devanture d’un grand magasin. Il faudrait donc supposer, me disais-je encore, que cette image est le produit d’une double abstraction : ma mémoire imaginative se servant, pour composer cette vision, et de la forme d’une robe de chambre quelconque et de l’aspect d’une étoffe que je n’ai vue qu’à l’état de pièce déroulée. J’agitai dans ma tête plusieurs questions également relatives au pouvoir combiné de l’imagination et de la mémoire. Je songeai notamment à une remarque que j’avais cru faire, à savoir, que par un précieux bienfait de la nature, le souvenir d’une vive douleur physique ne se gravait jamais nettement dans notre mémoire et ne pouvait, par conséquent, se raviver en songe [1]. Je voyais un poinçon

  1. Je n’entends pas dire assurément que l’on perd le souvenir d’avoir souffert. Ce que l’on perd, c’est la faculté de se remémorer exactement le caractère de la souffrance passée, comme on se remémorerait une vision, un bruit, une saveur.