Page:Dante - L’Enfer, t. 1, trad. Rivarol, 1867.djvu/183

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éléments pour dépeupler les rivières du Germain affamé [2], ainsi je voyais la bête cruelle s’appuyer sur les rocs qui terminent l’enceinte sablonneuse : et cependant elle repliait en dessous les contours de sa croupe, dont la pointe, semblable au dard du scorpion, se jouait dans le vague de l’air.

— Passons, dit mon guide, près des lieux où le monstre s’est abattu.

Et aussitôt je le suivis en descendant vers la droite, et nous laissâmes dix pas entre nous et l’aride plaine.

Non loin du bord où j’étais, je découvris des âmes qui étaient assises en grand nombre dans les sables brûlants.

Le maître me dit alors :

— Va et considère leurs supplices, afin que tu puisses remporter une pleine connaissance de cette dernière enceinte ; mais abrége tes entretiens, et cependant j’irai et je parlerai au monstre qui doit nous porter dans l’abîme sur sa croupe vigoureuse.

Je restai seul dans ce troisième et dernier donjon [3], où les coupables sont assis à jamais : des larmes cuisantes abreuvent leurs paupières, et leurs mains désespérées repoussent et reçoivent sans cesse les feux qui les assaillent de toutes parts : ainsi dans les brûlants étés, un dogue furieux se débat sous les aiguillons pressés des insectes.

Je laissai tomber mes regards sur leurs vi-