Page:Dante - L’Enfer, t. 1, trad. Rivarol, 1867.djvu/76

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monter de ces bords vers les lieux de la félicité [1].

Il vit mon désir secret, et me répondit :

— J’habitais ce séjour depuis peu lorsque j’y vis descendre une ombre puissante, couronnée des palmes de la victoire, qui appela le premier des hommes ; ensuite Abel, Noé, Moïse, le patriarche Abraham et le roi David ; Israël avec son père, ses douze fils, et sa Rachel, pour laquelle il n’avait pas regretté quatorze ans d’esclavage. L’ombre victorieuse en désigna bien d’autres encore, et les conduisit à l’heureuse éternité ; mais je veux que tu saches qu’avant elles aucun mortel n’avait pu s’ouvrir les portes du salut.

Il parlait sans cesser d’avancer, et la foule des esprits se partageait devant nous.

À peine nous laissions un court espace en arrière, lorsque je fus frappé d’une clarté douce qui repoussait les ombres blanchissantes vers l’hémisphère où j’étais ; et j’entrevis, malgré l’éloignement, que nous approchions du dernier asile des grands hommes.

— Ô vous ! disais-je, qui avez tant honoré les arts, daignez m’apprendre quelle est cette foule que la gloire distingue des autres enfants de la mort ?

Il me répondit :

— Le nom qu’ils ont laissé dans le monde et qui y retentit encore leur a valu cette faveur du ciel.