Page:Daudet - Tartarin sur les Alpes, 1901.djvu/66

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme Moïse, et que cette frileuse fleur du Nord, transplantée dans le petit jardin de Tarascon, en égaierait la monotonie, autrement bonne à voir et à respirer que l’éternel baobab, l’arbos gigantea, minusculement empoté. Avec ses yeux d’enfant, son large front pensif et volontaire, Sonia le regarde aussi et rêve ; mais sait-on jamais à quoi rêvent les jeunes filles ?


VII


les nuits de tarascon. — où est-il ? — anxiété. — les cigales du cours redemandent tartarin. — martyrs d’un grand saint tarasconnais. — le club des alpines. — ce qui se passait à la pharmacie de la placette. — à moi, bézuquet !


« Une lettre, monsieur Bézuquet !… Ça vient de Suisse, vé !… de Suisse ! » criait le facteur joyeusement de l’autre bout de la placette, agitant quelque chose en l’air et se hâtant dans le jour qui tombait.

Le pharmacien, qui prenait le frais en bras de chemise devant sa porte, bondit, saisit la lettre avec des mains folles, l’emporta dans son antre aux odeurs variées d’élixirs et d’herbes sèches, mais ne l’ouvrit que le facteur parti, lesté et rafraîchi d’un verre du délicieux sirop de cadavre, en récompense de la bonne nouvelle.

Quinze jours que Bézuquet l’attendait, cette lettre de Suisse, quinze jours qu’il la guettait avec angoisse ! Maintenant, la