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LE BARON DE SAINT-CASTIN
mer. En outre, les corsaires leur avaient apporté des
secours.
Villebon écrivait dans son journal de 1695 :
« Le 5 août, je reçus une lettre de
MM. Thury et St. Castin qui me marquoient qu’il y avoit deux partis de la rivière de Quinebiqui (
c’est Kennébec que Villebon orthographiait de la sorte) en guerre et que ceux de Pentagouet attendoient ceux de la rivière de Pesmonquidis et le long de la coste pour former ensuite un gros parti au retour de ceux de Kinibéqui et que les sauvages avoient été trompés dans les pourparlers qu’ils avoient eus à Pemiquid au sujet de leurs prisonniers retenus à Boston »
24.
La France se décidait enfin à exécuter un coup important
et, d’abord, à détruire Pemquid toujours menaçant
pour les indigènes. Frontenac désirait abattre à jamais
la puissance anglaise en Amérique. Mais, ainsi que
l’écrit Charlevoix (II, 160), en France on ne comprenait
pas la nécessité d’affaiblir les Anglais dans l’Amérique
septentrionale. On les voulait simplement déloger de trois
points d’où ils menaçaient particulièrement le commerce
(seule préoccupation de la cour, en somme), c’est-à-dire
Pemquid, Terre-Neuve et la baie d’Hudson.
La situation de l’Acadie et de la Nouvelle-France
inspirait beaucoup d’inquiétude à Frontenac, car, à ses
yeux, le sort des deux colonies était lié. Il savait aussi
que les moyens de fortune ne suffisaient plus : on repoussait
les attaques tant bien que mal, on allait ravager
quelques établissements anglais ; on restait sur la défensive,
on temporisait. Ce n’était pas sérieux. Frontenac
voulait se débarrasser d’un voisinage gênant afin que la
colonie pût se développer en paix. Il ne fallait plus tarder,
car les Anglais finiraient par devenir trop puissants.
Le gouverneur ne cessait de le répéter. Le 4 novembre 1694, il écrivait : « Il serait à souhaiter que les affaires de Sa Majesté permissent de faire un armement assez considérable pour nettoyer toutes ces côtes (dans le voisinage de l’Acadie) et se rendre maître de Manathe et de Boston, parce que cela finirait tout d’un coup les guerres de ce pays ». Dès le 12 novembre 1690, il avait écrit : « Maintenant, Monseigneur, que le Roi a triomphé de ses ennemis et par mer et par terre, et qu’il est le maître de la mer, croirait-il mal employer quelques-unes de ses escadres de vaisseaux à punir l’insolence de ces véritables et vieux parlementaires de Boston, de les foudroyer aussi bien que ceux de Manathe dans leur tanière et de se rendre maître de ces deux villes, qui mettraient en sûreté toutes ces côtes ». Et encore le 10 mai 1691 : « Si Sa Majesté prend la résolution de faire quelque entreprise du côté de Boston et de Manatte (…) on fera une paix solide et durable ».