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SAINT-CASTIN CHEZ LES SAUVAGES

masse d’or dans toute l’Amérique septentrionale française. Frontenac et Champigny n’écrivaient-ils pas, le 5 novembre 1684 : « Il ne vient point d’argent de France à moins que le Roy n’en envoye, le peu de commerce que l’on fait en ce pays seroit entièrement ruiné s’il n’y restoit aucune monnoye » 8. Tibierge notait avec plus de justesse, en 1695. que Saint-Castin passait pour posséder 10 000 livres et qu’il enfouissait son trésor dans la forêt 9. Il est évident que sa richesse véritable était bien plus considérable et qu’il avait richement doté ses filles, puisqu’elles épousèrent les gentilshommes les plus riches de la petite colonie. Le chiffre d’affaires de Saint-Castin, pour employer une expression brutale, atteignait plusieurs milliers de livres par an. Le profit, très important, lui servait à accumuler des marchandises, et, nous le verrons, à armer sa tribu. S’il ne lui restait pas un nombre imposant d’écus sonnants et trébuchants, il effectuait un grand mouvement de fonds.

Saint-Castin n’était pas le seul blanc dans les tribus. Dès les débuts de la colonisation en Acadie, plusieurs Français avaient cherché refuge chez les sauvages, notamment en 1607 quand Poutrincourt abandonnait son établissement de Port-Royal, après trois ans d’efforts fructueux, car, inaugurant sa politique d’incohérence qui devait mener ses colonies à la ruine, la cour avait enlevé au fondateur un essentiel monopole. Poutrincourt laissait derrière lui des colons qui se joignirent aux indigènes. Même chose en 1613, à la suite des dévastations d’Argall.

Les mariages de Français avec des sauvagesses ont été fréquents de 1607 à 1675, à cause de la rareté des femmes blanches en Acadie ; on citait, entre autres, ceux de Saint-Castin, d’Enaud, seigneur de Nipisiguy et du trop fameux Latour. Les Métis parurent de bonne heure en Acadie 10. Même après 1700, des Français s’en allèrent dans les tribus. Chaque victoire des Anglais était suivie d’un nouvel exode. C’est parce qu’ils trouvaient des moyens de subsistance auprès des naturels qu’il y a toujours eu des gens de race française en Acadie depuis ce temps. Cependant, on exagère sans doute quand on dit qu’il est peu de familles acadiennes qui n’aient une goutte de sang métis.

Certains de ces Français devenaient de terribles aventuriers, ne gardant de la civilisation que ses vices et