Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/145

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correspondant avec moi et comme étant complice du meurtre du joaillier, etc.

Le marchand vit dans ses discours qu’il supposait que j’étais protégée par le prince de ***. Et même, le coquin disait qu’il était sûr que j’étais dans ses appartements à Versailles, car il n’eut jamais la moindre idée de la manière dont j’étais réellement partie : il se croyait certain que j’étais là, et certain aussi que le marchand en avait connaissance. Le marchand le mit au défi. Cependant il lui donna beaucoup d’ennui, et le plaça dans un grand embarras ; il l’aurait même probablement traduit en justice comme ayant aidé ma fuite, auquel cas le marchand eût été obligé de me produire, sous peine d’avoir à payer quelque très grosse somme d’argent.

Mais le Hollandais sut prendre le dessus d’une autre manière : il fit commencer une instruction contre lui pour escroquerie, où il exposa toute l’affaire, comment le Juif avait l’intention d’accuser faussement la veuve du joaillier comme la meurtrière supposée de son mari ; qu’il faisait cela uniquement pour lui enlever ses joyaux ; et qu’il offrait de le mettre, lui, marchand, dans l’affaire, pour s’associer avec lui et partager ; il prouvait en même temps le dessein du Juif de mettre la main sur les bijoux, et alors d’abandonner la poursuite à condition que je les lui cédasse. Sur cette accusation, il le fit mettre en prison ; on l’envoya donc à la Conciergerie, comme qui dirait Bridewell, et le marchand se vit tiré d’affaire.

L’autre sortit de geôle peu après, mais non sans le secours de son argent, et il continua pendant longtemps de harceler le Hollandais ; à la fin même, il menaça de l’assassiner, de le mettre à mort ; si bien que le marchand, qui avait enterré sa femme deux mois auparavant environ et qui était maintenant tout seul, ne sachant ce qu’un misérable de cette espèce pouvait faire, jugea convenable de quitter Paris et de s’en venir aussi en Hollande.

Il est très certain que, si l’on remonte aux origines, j’étais la cause et la source de tous les ennuis et de toutes les vexations de cet honnête monsieur ; et comme, plus tard, il fut en mon pouvoir de le payer complètement de tout et que je ne le