Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/44

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de ce qui m’attendait dans l’avenir ; le terrible raisonnement que je manquerais de pain et que je serais précipitée dans l’horrible misère où j’étais auparavant, maîtrisa toute mon énergie, et je m’abandonnai comme je l’ai dit.

Le reste de la soirée se passa très agréablement pour moi. Il était d’excellente humeur et, à ce moment-là, très gai. Il fit danser Amy, et je lui dis que je mettrais Amy au lit avec lui. Amy repartit que ce serait de tout son cœur, n’ayant jamais de sa vie été la mariée. Bref, il égaya tellement cette fille que s’il n’avait pas dû coucher avec moi cette nuit même, je crois qu’il aurait bien fait le fou avec Amy pendant une demi-heure et qu’elle ne l’aurait pas plus refusé que je n’avais l’intention de le faire. Cependant j’avais toujours jusque là trouvé en elle une personne aussi modeste que j’en ai jamais vu de ma vie. Mais, en un mot, la dissipation de cette soirée et de quelques autres semblables ensuite, ruina à jamais la pudeur de cette fille, comme on le verra plus tard en son lieu.

La folie et le jeu vont quelquefois si loin que je ne sais rien à quoi une jeune femme doive plus prendre garde. Cette fille innocente avait tellement plaisanté avec moi et tellement dit qu’elle le laisserait coucher avec elle si seulement il devait en être plus bienveillant à mon égard, qu’à la fin elle le laissa coucher avec elle pour de bon. Et j’étais alors si dénuée de tout principe que je les encourageai à le faire presque sous mes yeux.

Ce n’est que trop justement que je dis que j’étais dénuée de principe. En effet, je le répète, je lui avais cédé, non pas dans la fausse persuasion que c’était légitime, mais comme vaincue par sa bonté, et terrifiée par l’appréhension de la misère s’il me quittait. Ainsi, les yeux ouverts, la conscience éveillée, si je puis dire, je commis le péché, sachant que c’était un péché, mais n’ayant pas la force de résister. Lorsque cette faute eut ainsi fait sa trouée dans mon cœur et que j’en fus venue au point d’aller contre la lumière de ma propre conscience, je fus alors préparée à toute espèce de perversité, et la conscience cessa de parler lorsqu’elle vit qu’elle n’était pas entendue.

Mais revenons à notre récit. Une fois que j’eus, comme je l’ai rapporté, consenti à sa proposition, nous n’avions plus grand’- -