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La plupart d’entre eux passent leur première jeunesse dans des fermes solitaires ou dans des plantations peuplées de nègres, ou dans le comptoir d’un banquier, ou enfin dans des écoles tenues, soit par des quakers, soit par des méthodistes, lieux peu favorables au développement du sens esthétique et du goût littéraire. Aussi rien de plus scandalisant pour nous autres Européens, que les jugements de ces messieurs d’outremer, sur tout ce qui constitue notre civilisation. Il m’est arrivé d’entendre plus d’une fois dans des sociétés d’Américains des propos dans le genre de ceux-ci :

— « Vous avez été à Paris, M. W ***, vous avez monté sur les tours de Notre-Dame ?

— Oui, la vue est superbe, j’ai été charmé de l’infinie variété des cheminées.

— Vous avez été à Rome ?

— Oui… j’ai vu les ruines… elles sont en bien mauvais état… elles auraient bien besoin de réparation… J’ai vu les statues du Vatican… Certes pour l’époque où elles ont été faites, elles ne sont pas mauvaises…, J’ai été frappé du Gladiateur mourant, les gouttes de sang sur la poitrine sont très-bien imitées.

— Vous avez vu les galeries de tableaux ?

— Oui…, mais je n’en donnerais pas deux sous (two cents). Quelles affreuses croûtes (what a damn’d trash) ! Quelle mauvaise plaisanterie ! (what a perfect humbug) ! Il n’y a là aucune invention, aucune originalité. Les madones de Raphaël se ressemblent toutes : cela se conçoit d’ailleurs, puisqu’il n’a fait que reproduire les traits de sa maîtresse. Tous ces prétendus grands peintres n’avaient pas pour un liard d’imagination ; ils travaillaient toujours d’après nature ! »

Les artistes de Rome racontent que, il y a quelques années, le gouvernement fédéral chargea son agent consulaire à Rome, d’acheter des tableaux de maîtres pour le musée de New-York. Dès que cette nouvelle fut connue, notre di-